vendredi 2 mai 2008

La peur de l'inflation se renforce aux Etats-Unis sur fond de vraie-fausse récession

Si la croissance s'est maintenue à 0,6 % en rythme annuel au premier trimestre, la récession est dans tous les esprits outre-Atlantique. Pour beaucoup d'économistes, elle va rapidement se traduire dans les chiffres. La Réserve fédérale américaine, qui a abaissé son principal taux directeur d'un quart de point mercredi, semble, de son côté, davantage préoccupée par le niveau de l'inflation.

On en saura sans doute un peu plus sur l'état de l'économie américaine, aujourd'hui, après la publication très attendue des chiffres de l'emploi en avril. Est-elle en récession ? Toujours pas, si l'on se fie aux chiffres du produit intérieur brut (PIB), publiés mercredi. Du moins en apparence. La croissance s'est maintenue à 0,6 % au premier trimestre en rythme annuel. Mais elle vient « pratiquement intégralement d'une hausse des stocks, d'ailleurs pas toujours volontaire, souligne Brian Bethune, le chef économiste de Global Insight. En conséquence, il y a de grandes chances que l'économie se contracte au deuxième trimestre. Le bénéfice des chèques de remises d'impôts sera partiellement effacé par la hausse du prix de l'essence ». Les seules bonnes nouvelles dans la composition du PIB au premier trimestre viennent, outre de la hausse des stocks, de celle des exportations (+ 0,2 %), néanmoins tempérée par une reprise des importations.
Ménages économes
Ce qui préoccupe les économistes, c'est la faible progression de la consommation des ménages sur les trois premiers mois de l'année. Et pour beaucoup d'entre eux, la récession se lit dans les faits et gestes des consommateurs. Sur un rythme annualisé, les dépenses des ménages ont en effet enregistré entre janvier et mars la plus faible progression depuis 1995. Hier, le ministère du Commerce a indiqué qu'elles avaient progressé de 0,4 % au mois de mars, mais seulement de 0,1 % hors inflation. Les foyers américains se concentrent désormais sur l'indispensable : dépenses de santé, électricité et logement. Tout le reste - voitures, mobilier, loisirs, etc. - est visiblement sacrifié pour pouvoir continuer à payer un carburant et des produits alimentaires toujours plus chers. Quand on sait que la consommation assure 70 % de l'activité économique outre-Atlantique, cette tendance est préoccupante.
Par ailleurs, l'inflation ne donne guère de signe d'affaiblissement, ce qui inquiète à nouveau la Réserve fédérale. En abaissant d'un quart de point son principal taux directeur mercredi, pour le ramener à 2 %, la banque centrale a noté dans son communiqué que « l'activité économique demeure faible » et que « l'incertitude sur le développement de l'inflation est élevé ». Sur douze mois, la hausse des prix atteint 4 % en rythme annuel et, hors énergie et alimentation, 2,1 %.
La Réserve fédérale ne s'interdit pas, toutefois, de procéder à de nouvelles réductions des taux, alors que beaucoup attendaient l'annonce d'une pause officielle. « Le comité a besoin de flexibilité pour agir à nouveau s'il y avait de nouvelles surprises », explique Joel Naroff, le chef économiste de la banque Commerce Online. De son côté, Brian Bethune parie sur une reprise de la baisse des taux au deuxième semestre 2008. Pour lui, ils s'établiraient à 1,50 % à la fin de l'année. Toutefois, le sentiment général est que la Réserve fédérale va attendre de pouvoir constater l'impact de ses précédents assouplissements monétaires sur l'économie avant d'agir à nouveau. D'autant que l'activité du premier trimestre n'a pas encore permis d'évaluer les effets de sa politique.
Signaux de crise
Les dépenses d'investissements ont reculé de 2,5 % en rythme annualisé, tandis que l'immobilier résidentiel s'est écroulé de 26,7 %. « La chute des prix de l'immobilier, des conditions de crédit plus astreignantes et les prix croissants de l'alimentaire et de l'essence ont été exacerbés par un marché de l'emploi qui s'est affaibli ces derniers mois », observe Peter Kretzmer, économiste chez Bank of America. En mars, les Etats-Unis ont perdu 80.000 emplois et le taux de chômage a atteint 5,1 %. En avril, les experts tablent sur 70.000 suppressions de postes, au moins.
Pour l'heure, c'est le dollar qui a retrouvé de la vitalité. Il est à son niveau le plus haut depuis cinq semaines et a gagné 1,1 % face à l'euro au mois d'avril. Peut-être le signe que les spéculateurs estiment que l'on a touché le fond.
VIRGINIE ROBERT
www.lesechos.fr

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