mardi 10 avril 2007

A la Bourse de Shanghaï, le mini-krach de fin février est oublié

Le Monde
Le mini-krach du 27 février à la Bourse de Shanghaï est effacé. Lundi 9 avril, la place asiatique a établi un nouveau record, clôturant la séance en hausse de 2,27 % à 3 398,95 points, le treizième en quatorze séances. Même si, mardi 10 avril, il perdait un peu d'avance, reculant de 0,53 % à mi-séance, l'indice a engrangé près de 190 % depuis le début de 2006.


Après l'incident de fin février, la remontée de la Bourse traduit l'optimisme des perspectives de croissance chinoise. " Depuis fin février, les résultats des entreprises ont été bons et les chiffres de l'économie locale témoignent d'une nouvelle accélération de la croissance", argue Gigi Chan, gérante d'actions chinoises chez Threadneedle.

Malgré des déséquilibres structurels inquiétants, l'économie de l'empire du Milieu semble continuer sur sa folle lancée. Jeudi 5 avril, la Banque mondiale a estimé que la croissance chinoise allait rester "très forte en 2007". En 2006, le produit intérieur brut (PIB) avait déjà progressé de 10,7 %. A titre de comparaison, le Fonds monétaire international prévoit une croissance du PIB de la zone euro en 2007 de 2,3 % et de 2,2 % aux Etats-Unis.

Certes, les capitaux étrangers dans les Bourses chinoises de Shanghaï et de Shenzhen restent limités - seule une quarantaine d'institutions triées sur le volet sont autorisées à intervenir sur le marché des actions A (libellées en yuans) via les fameux QFII, (Qualified Foreign Institutional Investor). Mais l'économie chinoise n'en reste pas moins submergée de liquidités issues des excédents commerciaux record. Injectée dans l'économie via les crédits bancaires, la manne a tendance à provoquer des bulles : après l'immobilier et l'investissement productif, voire l'art chinois, la Bourse apparaît désormais comme un autre "déversoir" commode.

Les places chinoises attirent aussi l'épargne des populations locales enrichies qui ont peu d'alternatives de placement. "Le taux d'épargne individuel augmente très vite, de l'ordre de 18 % par an, ce qui correspond à 360 milliards de dollars (268 milliards d'euros) qui arrivent chaque année sur le marché", calcule Gigi Chan. "En cas de transfert des sommes déposées dans les banques vers la Bourse, l'impact sera significatif", ajoute-t-elle. Compte tenu de la flambée des indices, les Chinois pourraient être tentés de franchir le pas. "La Bourse est un casino aux yeux des paysans", remarque Vincent Strauss, gérant de fonds asiatiques chez Comgest.

RISQUES DE FORTE VOLATILITÉ

Shanghaï est aussi alimentée par les sociétés locales, qui ont de plus en plus recours au marché pour financer leur croissance explosive. Selon Gigi Chan, 25 milliards de dollars devraient être levés sur marché des actions A cette année.

La croissance de la Bourse à moyen et long terme est-elle pour autant assurée ? Les économistes signalent les risques de forte volatilité. Le marché peu mature fait redouter des réactions irrationnelles. En outre, certains investisseurs ont une vision très optimiste de l'avenir qui les amène à surévaluer les actions des sociétés cotées.

"Les titres de certaines entreprises chinoises représentent entre 28 à 30 fois les bénéfices estimés en 2007 quand les autres places paient 15 à 16 fois", s'inquiète M. Strauss, ajoutant que "la qualité des bénéfices et du management n'est pas de nature à justifier ces prix".

La rentabilité des entreprises chinoises fait d'ailleurs l'objet d'une sérieuse polémique parmi les spécialistes. "La Bourse est censée être le reflet de la santé des entreprises. (...) A Shanghaï et à Shenzhen, la cote est écrasée par un petit nombre de sociétés d'Etat qui ne sont pas les plus performantes. En outre, la part de leur capital en Bourse est très réduite. Il y a donc une rareté artificielle comparée à la demande qui apparaît colossale", explique Jean-Patrick Yanitch, conseiller financier à la mission économique française à Pékin.

De nouvelles corrections sont donc redoutées, dont l'issue dépendra aussi de la réaction du gouvernement. L'Etat, encore très interventionniste, a grand besoin que les marchés financiers jouent un rôle plus important dans l'économie - mais il a beaucoup à craindre de l'éclatement d'une bulle spéculative, surtout avant les Jeux olympiques. Ses interventions constituent un autre facteur d'incertitude dans un environnement où les règles peuvent changer du jour au lendemain.

Claire Gatinois et Brice Pedroletti (à Shanghaï)

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