par Agnès Bénassy-Quéré et Lionel Fontagné du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
Alors que la gouvernance économique mondiale est au coeur de toutes les préoccupations, la décision de modifier les règles de représentation dans l'organisation phare de la régulation financière mondiale, pour mieux prendre en compte la montée en puissance des pays émergents, ne passera pas inaperçue. D'autant qu'on a choisi une nouvelle formule de calcul... dont on se gardera bien d'appliquer pleinement les résultats!
Lors des assemblées d'avril, le comité monétaire et financier du Fonds monétaire international (FMI) a en effet approuvé la réforme des quotes-parts qui avait été proposée fin mars par le conseil d'administration du Fonds. Les 185 États membres vont maintenant procéder au vote, et la réforme devrait être adoptée dans les semaines qui viennent. Ainsi s'achève un marathon de près de deux ans pour tenter de rééquilibrer les pouvoirs au sein de cette institution décidément bien chahutée. En septembre 2006, à Singapour, les 185 États membres avaient décidé de relever immédiatement les quotes-parts (et, donc, les droits de vote) de quatre pays particulièrement sous-représentés -Chine, Corée, Mexique et Turquie- et de modifier la formule de calcul des quotes-parts au plus tard au printemps de 2008. Nous y sommes.
La réforme adoptée comporte trois volets: une nouvelle formule de calcul qui se substitue aux cinq formules précédemment utilisées; un triplement des droits de vote de base -les droits alloués à chaque État membre indépendamment de sa quote-part-; et des administrateurs adjoints supplémentaires pour les deux circonscriptions africaines, particulièrement chargées en nombre de pays mais légères en droits de vote. Le triplement des droits de vote de base va permettre à 135 pays (sur 185) de peser davantage sur les décisions du Fonds. Ainsi, le plus petit État membre -Palau- va voir son droit de vote presque multiplié par trois pour atteindre... 0,031 % des voix.
De fait, au terme de la réforme, 89 pays auront toujours un droit de vote inférieur à 0,1 %, et seuls 12 pays d'Afrique subsaharienne dépasseront ce seuil. Pour ces pays, la nomination d'un second administrateur adjoint est sans doute plus importante que la hausse des droits de vote.
Pour les grandes économies émergentes, c'est au contraire le changement dans la formule de calcul des quotes-parts qui va compter. En particulier, la nouvelle formule tient compte du PIB mesuré en parité de pouvoir d'achat, c'est-à-dire en supposant que les niveaux de prix soient les mêmes partout dans le monde. Cela conduit à relever fortement la quote-part de la Chine et d'autres grandes économies émergentes.
Les plus gros perdants sont le Royaume-Uni et la France. Toutefois, la nouvelle formule ne s'applique pas brutalement (pas plus que le système opaque qu'elle remplace). Elle ne fait que fournir une indication pour les réajustements. Ainsi, la quote-part théorique de la Chine serait de 6,39 % selon la nouvelle formule, mais elle ne sera que de 3,997 % après cette réforme, tandis que la France bénéficiera encore d'une quote-part de 4,506 %, soit plus que le chiffre théorique de 4,016 %.
Ironie de la réforme, les États-Unis, qui bénéficient déjà d'un pouvoir de veto avec plus de 17 % des droits de vote, voient leur quote-part théorique augmenter avec la nouvelle formule. Grands seigneurs, ils renoncent à une partie de leurs nouveaux droits, suivis en cela par l'Allemagne, le Japon et quelques autres pays.
En réalité, les États-Unis ont tout intérêt à terme à cette réforme pérennisant leur position au sein de l'institution: selon les estimations du Cepii (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), la nouvelle formule conduit à une forte augmentation de la quote-part chinoise (+4,5 points de pourcentage) d'ici à 2030 et à une baisse presque équivalente (-4 points) de celle de la zone euro, tandis que les États-Unis parviennent peu ou prou à maintenir leur part. Quant à la quote-part agrégée des pays d'Afrique subsaharienne, elle stagne à 1,5 % (1 % si l'on retire l'Afrique du Sud), même si les droits de vote de base relèvent un peu ce chiffre pour les droits de vote. Ainsi, la réforme est loin de rééquilibrer les pouvoirs au sein du Fonds. Comme le dit son directeur général, Dominique Strauss-Kahn, c'est un premier pas.
Agnès Bénassy-Quéré et Lionel Fontagné du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
latribune.fr
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